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Marc de café


2023-08-18


Du sensationnalisme au truandage académique


> Arrêtez tout, le marc de café non composté est un *inhibiteur* de la croissance des plantes ! (temptoetiam@octodon.social, 2023)


Énième titre sensationnaliste sur l'usage du marc de café au jardin ; J'en ai ras le bol – pour ne pas dire en avoir marre –, et me lance dans une revue de littérature informelle sur la question. Informelle dans la mesure où je fais ça sur mon temps libre, et que je ne sortirai pas l'artillerie scientifique lourde comme ce serait le cas pour une méta-analyse.


Le torchon sur lequel renvoie le titre (Je ne prendrai même pas la peine de le citer), est un billet de blog datant de 2020. L'intégralité du billet repose sur un article de 2013 – Même ça n'a pas été fait correctement puisque cité comme datant de 2014… Pour un blog qui prétend se baser sur des sources scientifiques, et faire preuve de rigueur, n'utiliser qu'une seule publication ça craint. C'est au mieux une lecture commentée. Le-dit blog est également à haute teneur commerciale, il est possible d'y commander un fantastique filet à limaces pour la modique somme de 37 €. Un filet en cuivre, mais un filet tout de même. Oui c'est de l'attaque ad-hominem.


L'étude en question[1] visait à évaluer l'effet du marc de café dans des champs cultivés sur un durée de 2 ans, ou 4 saisons (agricoles). Les résultats principaux avancés dans le résumé étant :


Une inhibition de croissance durant la première saison, laissant place à une stimulation jusqu'à un facteur deux par la suite ;

L'élimination de l'inhibition lorsque mélangé avec du fumier d'équidé (afin de limiter la pollution aux nitrates) ;

Un effet désherbant sur une durée de 6 mois ;

Une augmentation des taux d'azote et carbone dans le sol[2], et une réduction du ratio C/N.


J'ai également appris à me méfier des résumés, à raison :


Sur les 8 espèces de l'étude, l'effet inhibiteur était significatif pour 3 espèces, et uniquement à haute concentration (10 kg.m⁻²). Après quoi la croissance semble effectivement stimulée, mais sans être significative – La méthode voudrait que l'on ignore totalement cet effet considéré alors comme un artefact ;

En absence d'effet inhibiteur, l'ajout de fumier d'équidé n'a pas non plus d'effet significatif notable sur les végétaux ;

Le marc de café, appliqué en surface et à haute concentration (16 kg.m⁻², différent de la « haute concentration » précédente), a effectivement un effet inhibiteur sur la croissance de végétaux, et ce pour une durée maximale d'un an environ. Deux autres études impliquant la personne ayant dirigée celle-ci nuancent l'effet selon l'espèce lorsque incorporé au sol[3], ainsi qu'en surface[4] ;

Augmentation des taux d'azote et carbone, mais réduction du ratio C/N, lorsque incorporé à haute concentration (10 kg.m⁻²). Aucun effet sur le ratio C/N lorsque appliqué en surface.


Pour résumer c'est sensationnalisme, sur sensationnalisme, sur données bof-bof. Alors pourtant que les résultats sont pas inintéressants : le marc de café appliqué en fortes quantités diminue le développement foliaire (post-germination) de certains végétaux.


Structure


Le marc de café est principalement composé de glucides (60 % de polysaccharides[5]), et de protéines (20 %)[6]. De part sa teneur en cellulose et lignine, il est faiblement poreux – mesopores inférieurs à 12 nm, une surface spécifique entre 2 et 5 m².g⁻¹, et des pores au volume spécifique de l'ordre de 0,003 cm³.g⁻¹[7].


Enrichissement du sol


Le marc de café à un effet globalement bénéfique pour le sol. Un medium sableux (à faible fertilité) contenant 20 % de marc, semble stimuler la croissance racinaire, sa ramification, ainsi que le diamètre au collier[8] – par rapport à un medium de croissance classique.


On lui soupçonne un rôle de chélateur, augmentant la disponibilité de différents nutriments.


De même, la (macro)porosité est augmentée, en particulier dans le cas d'un sol argileux par interaction entre les particules. Cela pourrait limiter l'hypoxie racinaire.


Les micro-organismes du sol voient également leur activité augmenter de l'ordre de 10 %, ce qui pourrait avoir un effet inhibiteur sur la croissance des végétaux par compétition sur l'azote disponible[9]. Cette hypothèse reste à valider ce qui n'est pas le cas de la phytotoxicité par composés phénoliques, testée en opposition au pH et à la disponibilité en azote[10].


Inhibiteur de croissance


Généralement le marc de café à un effet inhibiteur sur les végétaux. Cela s'observe notamment via la diminution du taux de germination des graines mais également sur le développement foliaire.


En plus de la phytotoxicité phénolique associée, son application de surface limite fortement la disponibilité en eau des végétaux[11]. Bien que capable d'absorber jusqu'à 6 fois sa masse en eau[12], sa capacité de rétention d'eau est telle que la valeur du point de flétrissement[13] est augmentée de manière significativement plus élevée que la disponibilité en eau. Son rôle d'inhibiteur de croissance est tel qu'il a été évalué comme alternative pertinente au sel comme herbicide[14]. Ensemble, ces deux mécanismes pourraient être à l'origine des différences d'effet selon l'espèce, de par leurs besoins hydriques[15] ainsi que leurs sensibilités aux composés phénoliques.


Catabolisme


La dégradation du marc libère de nombreux éléments modifiant significativement l'environnement direct. Plutôt qu'une application directe pouvant s'avérer délétère sur la croissance de végétaux, un pré-traitement est possible en amont de manière à contrôler les élements rejetés, et limiter la stimulation des micro-organismes locaux. Cela a notamment été démontré avec Aspergillus sp, et Penicillium sp, capables de produire un compost mature et stable en 1 mois[16]. Plus à portée du quidam, le vermicompostage est également une solution intéressante puisque permet une transformation à la fois micro et macroscopique de sorte à obtenir un agglomérat particulièrement riche en azote par rapport à des méthodes traditionnelles[17].


Références


[1] Field Evaluation of Coffee Grounds Application for Crop Growth Enhancement, Weed Control, and Soil Improvement, Yamane 2013

[2] Nutrition végétale, LeJun 2023

[3] Effects of different application methods of spent coffee grounds on weed growth, Yamane 2022

[4] Effectiveness of direct application of top dressing with spent coffee grounds for soil improvement and weed control in wheat-soybean double cropping system, Hirooka 2021

[5] Glucides, LeJun 2023

[6] Spent Coffee Grounds Characterization and Reuse in Composting and Soil Amendment, Shayene Campos de Bomfim 2022

[7] Chemical, Functional, and Structural Properties of Spent Coffee Grounds and Coffee Silverskin, Ballesteros 2014

[8] Utilization of Spent Coffee Grounds as Media for Stone Pine (Pinus pinea) Seedlings, Caliskan 2020

[9] Impact of spent coffee grounds as organic amendment on soil fertility and lettuce growth in two Mediterranean agricultural soils, Cervera-Mata 2017

[10] Applying spent coffee grounds directly to urban agriculture soils greatly reduces plant growth, Hardgrove 2016

[11] Sequential effects of spent coffee grounds on soil physical properties, Cervera-Mata 2022

[12] Réservoir hydrique, Lejun 2023

[13] Potentiel hydrique, LeJun 2023

[14] Short-term impact of different doses of spent coffee grounds, salt, and sand on soil chemical and hydrological properties in an urban soil, Khan 2023

[15] Transpiration végétale, LeJun 2023

[16] Studies on Composting Spent Coffee Grounds by Aspergillus sp and Aspergillus sp in Aerobic Static Batch Temperature Control, Afriliana 2021

[17] Spent coffee grounds by-products and their influence on soil C–N dynamics, Cervera-Mata 2022

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